France Plumfoot

La pré-histoire, vous avez dit Grignard ?

Comme promis dans l’épisode précédent, voici une chronologie du plumfoot français qui commence – sous un titre volontairement provocateur – par les prémices des compétitions nationales, à la fin des années 2000. Le sujet m’a offert l’occasion de me replonger dans de nombreux souvenirs, j’en suis ressorti tellement trempé qu’il m’a fallu beaucoup de lignes pour sécher tout ça ; alors excusez la longueur de ce pavé indigeste … Pour les plus braves d’entre vous : bonne lecture ! Et pour les autres, rendez à l’Open que je vous raconte ça de vive voix 🙂 .

Le championnat national, c’est quoi ?

Actuellement le championnat national c’est trois compétitions réparties sur l’année (simple, double et plus récemment triple aussi), qui permettent aux participant·e·s de gagner des points et d’enrichir ainsi leur classement ATP (Association des Tapeurs de Plume). Pour le Top 8 (ou 16, selon l’épreuve et l’année) c’est le billet d’entrée aux phases finales du championnat se déroulant en fin de saison ; il s’agit alors d’une ultime épreuve extrêmement dense en terme de niveau à l’issue de laquelle sont consacré·e·s la ou le Champion·ne de France Plumfoot pour chaque discipline.

L’Ère des Championnats

Un peu comme au tennis où on parle de l’Ère Open, chez nous la période « moderne » du plumfoot (en France, hein) correspond à « l’Ère des Championnats » où chaque saison s’articule selon le format décrit au paragraphe précédent. Mais il n’en fut pas toujours ainsi ! L’Ère des Championnats n’a débuté qu’à la saison 2015 – 2016, avec les premiers titres de champions de France Plumfoot en simple et en double. Et avant ça ? Eh bien il y avait tout de même des compétitions nationales, mais sans aucune structure reliant un tournoi à l’autre. Les protagonistes de cette époque archéologique étaient alors principalement le club de Paris (créé en 2006) et le club historique de Marseille, né une quinzaine d’années auparavant. C’est d’ailleurs ce dernier club qui est à l’origine responsable de l’appellation (et de l’orthographe) du nom français de notre discipline. Dès 2009, un club existait également à Canteleu (petite bourgade normande, proche de Rouen) et deux nouveaux clubs furent créés en 2012 (Amiens et Puteaux). C’est sur la base de ces structures que reposaient les compétitions nationales, celles-ci étant en général organisées à Paris ou Canteleu et plus tard également à Amiens ou Puteaux.

Dormir dans le gymnase

Je vous le disais plus haut, l’écriture de cet article ravive beaucoup de souvenirs ; avant d’en venir aux résultats sportifs, je prends quelques lignes pour essayer de décrire à quoi ressemblaient ces familiales compétitions où l’on dépassait rarement la vingtaine de joueurs. C’était drôle. Les conditions de jeu étaient parfois (souvent ?) bancales avec des filets troués, des poteaux calés par de dangereux lests (j’en ai payé les frais avec une nuit aux urgences) provenant d’une obscure salle de musculation, des terrains tracés au scotch TESA lequel se décollait en cours de match (je revois Dany les retirer mécaniquement à chaque fin de compétition), des rencontres qui étaient d’ailleurs rarement arbitrées (tous les arbitres potentiels étant en train de jouer) … En fin de journée les médailles – si médailles il y avait – étaient distribuées sur un podium de fortune, lui-même installé avec des chaises et des bancs. L’organisation elle-même était parfois approximative, devant composer avec les retards fréquents de certain·e·s participant·e·s ou improviser des solutions pour assurer un maximum de rencontres à tout le monde.

« Yoram et Cédric n’arriveront qu’à 10h30 ? Vas-y on joue tous les matchs possibles en attendant, ça devrait passer. »

« Baptiste n’a pas de partenaire de double ? On l’incruste avec Loïc et Nico et on en fait une équipe de trois ! »

« Euh les mecs … je crois qu’on doit rejouer tous les matchs de poules je me suis planté dans les tirages … » (véridique).

« Bon, on a pris trop de retard là, à partir de maintenant tous les matchs se jouent en 1 set de 5 points. » (bon là j’exagère un peu j’avoue)

Des prises de liberté bien loin du standard réglementaire qu’a su développer France Plumfoot depuis quelques années. Mais pourtant … qu’est-ce qu’on se marrait ! Déjà, on se connaissait tous. Pas de groupes séparés de joueurs, juste une seul même masse réunie par une absurdité : s’enfermer pendant deux journées dans un gymnase alors qu’il fait beau dehors, pour jouer à un sport que personne en France ne connaît.

On partageait le transport en train (l’essentiel du groupe venant de la région parisienne), on partageait aussi le repas de veille de la compétition, on partageait même … le couchage : pour pas mal d’anciens de la plume, les premiers souvenirs de compétitions sont ceux du Tournoi de Canteleu où l’on dormait tous dans le gymnase, sur des gros matelas bleus (quand on en trouvait) ou plus stoïquement sur des tapis de yoga (bleus aussi mais moins confortables).

« Comment j’ai mal dormi ! J’étais à côté d’Ayman et il a ronflé toute la nuit, tout à l’heure je vais le défoncer sur le terrain. »

Beaucoup de souvenirs se sont accumulés dans ce gymnase mal chauffé de Canteleu, notamment nos premiers Opens (où les étrangers dormaient comme nous dans le gymnase) et les premières venues d’équipes asiatiques en France (Chine 2012, Vietnam 2013). L’image scannée d’un article de journal affichée plus haut date de cet époque (contrairement à ce que suggère le cliché, les photos en couleurs existaient à l’époque ; internet aussi, si-si croyez-moi). Il s’agissait alors de la première venue d’une équipe vietnamienne en France, au printemps 2013, pour l’Open de France.

Les besoins en logistique grandissaient bien plus vite que notre expérience, et ça nous a parfois valu quelques situations cocasses … je pense par exemple à l’accueil péripatéticien qu’on a offert à la délégation chinoise dans les rues de Rouen (Nico, François, vous vous en souvenez ?) ou au transport de marchandises douteuses pour la délégation vietnamienne (Trang, Fred, quels fous rires on avait eu !) … La Mairie de Canteleu nous concédait ce gymnase Béatrice Hess (bien nommé je trouve finalement) pour une somme raisonnable que l’on payait (naïfs que nous étions) sans facture ni rien à Garry, le gardien du gymnase … d’année en année le prix semblait plus élevé, jusqu’à ce que l’on découvre que la concession du gymnase était totalement gratuite et qu’on se faisait enfler chaque fois un peu plus par notre cher Garry. Après cet incident et l’élection d’une nouvelle équipe municipale les compétitions à Canteleu ont peu à peu disparu. Qui sait dans quelles affaires se serait retrouvé France Plumfoot si on avait continué à y organiser des compétitions …

Et donc, les podiums ?

Oui, oui je me suis un peu perdu dans ces souvenirs qui n’intéressent probablement pas grand-monde. J’en reviens donc aux archives de nos podiums, à l’exploration archéologique qui précède l’Ère des Championnats avant la saison charnière 2015-2016. Durant cette période, un joueur se démarque particulièrement en terme de récompenses, aussi bien en double qu’en simple (pas de compétition de triple à cette époque). Un nom qui évoque dorénavant surtout une relation charnelle entre le volant et le filet : François Grignard. À l’époque président de France Plumfoot, président du club de Paris, participant et organisant toutes les compétitions, François s’est en plus de cela forgé un palmarès qui fait de lui, à ce jour, le joueur le plus titré en médailles (34) de l’histoire de France Plumfoot. Les mauvaises langues diront que cette statistique inclut des performances provenant d’une époque reculée où le nombre d’équipes correspondait au nombre de places sur le podium … Certes. Mais tout de même, les performances de François ont réussi à perdurer jusqu’à l’Ère des Championnats, avec notament le tout premier titre Champion de France Plumfoot en simple, en 2016.

Malgré son assiduité et son aisance à s’installer sur le podium de chaque compétition, François ne fut pas en position d’asseoir totalement une domination, en raison d’un phénomène jouant un rôle tout aussi central, mais à Marseille : Anthony Nguyen. Président du club de Marseille, tout jeune adulte à l’époque, Anthony arrivait aux compétitions en mode BAFA colonie de vacances, responsable d’une ribambelle de jeunes ados tchatcheurs qui ne tarderaient pas, eux aussi, à devenir redoutables sur les terrains.

Une seule victoire fut possible pour François face à Anthony, en 2009. Toutes les autres rencontres en compétition, que cela soit en simple ou en double, furent gagnées par Anthony. N’allez pas vous imaginer que cette bête noire était l’apanage du sieur Grignard : en réalité, Anthony n’a plus perdu de match en compétition nationale France, depuis celui contre François en 2009 ! En atteste son palmarès, ne contenant presque exclusivement que des médailles d’or. Son « faible » total de 15 médailles ne s’explique que par ses absences répétées aux compétitions nationales. On pourrait résumer la situation par cette définition française de notre discipline : « le plumfoot est un sport se jouant aux pieds sur un terrain de badminton et dans lequel Anthony Nguyen (quand il joue) gagne à la fin ».

Lorsque j’ai commencé (vers 2010-2011) les compétitions, il n’y avait pas tant d’attaquants que ça : Anthony, Trung, Alex, Fred. Allez, je rajoute Cédric et Yoram (mais en vrai tout le monde sait que leurs vannes étaient plus efficaces que leurs smashs). De mon côté, les attaques n’ont commencé à éclore qu’en 2014 (message aux débutants : patience, patience, ça viendra sûrement plus vite !). Cette démographie a conduit à la formation de paires « classiques » à cette époque : François/Fred ou Léo B./Trung sont des exemples. D’autres joueurs, spécialisés dans le double, étaient au contraire très versatiles en terme de partenaires : ainsi Alex eut l’occasion de gravir les marches du podium avec Anthony, Xavier, Trang, Trung et Léo B. .

C’est vers la fin de cette époque que j’ai expérimenté mes premiers gros matchs grâce à l’aide de François qui me mit le pied à l’étrier, en me prenant comme partenaire de double (lui confirmé et moi attaquant en devenir). On a arraché nos premières médailles en 2014 et quelques médailles d’or par la suite jusqu’à l’année 2017 ou visiblement quelque chose s’est cassé – j’y reviendrai (ou pas). Léo B. a aussi raflé pas mal de médailles à l’époque, en s’associant tantôt avec Trung ou Alex. Xavier est monté sur quelques podiums à cette période mais n’était pas encore la machine à médailles qu’il est devenu par la suite. En fait, aucun de ces deux joueurs (Léo B. et Xavier) n’attaquait à l’époque ; tous les deux se concentraient exclusivement sur leurs rôles de passeur/défenseur. Sauf erreur, parmi tous les joueurs cités précédemment, il s’agissait des seuls assumant pleinement ce rôle. Je ne pense pas que cela soit sans lien avec la qualité technique que l’on retrouve chez ces deux bonhommes qui comptent dorénavant parmi les meilleurs accompagnants qu’un attaquant peut souhaiter en France. Tous deux ont développé par la suite un jeu d’attaque pouvant venir au soutien d’un passage à vide de leur partenaire. Inversement, pour tous les attaquants listés précédemment (exception faite d’Anthony et Trung), des lacunes techniques ont continué (et continuent !) à polluer leur jeu. Donc, nouveau message pour les débutants : les smashs viendront, mais d’abord les bases, les bases, les bases !

Contrairement aux podiums de double pour lesquels on constate une certaine régularité en termes de vainqueurs avec des paires s’offrant plusieurs victoires à la suite, le podium de simple s’est lui vite avéré très instable. On trouve ainsi à la première place du podium de simple, entre 2010 et 2016 : Anthony (quand il se pointe), François (autrement régulièrement second), Trung, Léo B., Xavier, Duc, Trang, Mathieu et moi. Précisons tout de même que dans toute cette liste, Trang était la seule fille. Disputant des compétitions à majorité masculine, cela ne l’a pas empêché de grimper régulièrement sur le podium !

Cette période ouverte a ainsi permit à des profils de joueurs non nécessairement taillés pour l’épreuve de simple, à y arracher une victoire ou deux. Cette variété dans les podiums de simple semble bien loin de l’hégémonie qu’on y retrouve actuellement ; celle-ci sera au centre de la seconde partie de notre saga : « L’éveil de Puteaux ».

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